Suppression définitive de l’Agence Nationale de la Promotion Artistique et Culturelle (ANPAC), showbiz et crise sanitaire, nous avons demandé à Jean Pierre Moudjalou de s’exprimer sur les récents bouleversements que traversent le secteur culturel dans notre pays.
Spécialiste des industries culturelles et expert national auprès de l’UNESCO notamment, le Président de l’association Ibogazik aborde les grands enjeux auxquels les artistes et acteurs culturels devront faire face dans les mois à venir.
Bonjour Jean Pierre Moudjalou. Comment allez-vous en cette période de crise sanitaire ?
Bonjour, je vais bien. Nzambe veille sur nous en cette période de COVID-19.
On vous a vu au front ces dernières semaines lors du rejet par la Cour Constitutionnelle de la loi de suppression de plusieurs organismes étatiques dont l’ANPAC. Vous étiez optimiste. Quelles sont, selon-vous, les raisons qui ont mené à ce rejet?
Tout à fait. Nous avons appris que le gouvernement avait introduit une loi visant à dissoudre plusieurs institutions étatiques. Sauf que la Cour Constitutionnelle a invalidé cette décision. Nous, acteurs culturels, avons eu l’espoir que le gouvernement revienne sur sa position. Malheuresement, ils l’ont finalement entérinée.
Effectivement, malgré les arguments présentés par un spécialiste du domaine comme vous et d’autres acteurs culturels, le gouvernement a quand même pris la décision de dissoudre cette agence. Comment interprétez-vous cela ?
Pour le moment, nous n’avons pas les raisons réelles de cette suppression. La seule information que nous ayons est que la loi émane du Ministère des finances. Encore une fois, nous commençons à penser que les industries culturelles et créatives resteront le parent pauvre de l’économie gabonaise.
Pourtant, L’ANPAC a été décriée par certains acteurs culturels au motif que cette structure n’a pas réussi à mettre en place une vraie stratégie de développement du secteur artistique. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que peu d’acteurs culturels peuvent vous nommer les missions de cette institution. Comment juger si on ignore ? Personne n’a pris la peine de s’y rendre pour revendiquer l’intervention de cette structure dans le cadre de la promotion à l’international par exemple. L’ignorance est le grand problème qui mine et freine le développement des filières des industries culturelles et créatives au Gabon.
Vous êtes le Président d’Ibogazik, une structure qui participe à la promotion des nouveaux talents par l’accompagnement et l’organisation d’événements à l’instar des Cafés Concerts en partenariat avec l’Institut Français du Gabon. Comment vivez-vous cette période de crise sanitaire en ce qui concerne vos activités ?
Comme tout le monde, nous avons été surpris et nous comptons reprendre dès septembre. Nous tiendrons compte de l’évolution de la maladie.
Cette crise sanitaire semble porter un coup fatal à une industrie culturelle gabonaise qui a du mal à décoller depuis des années. Les artistes qui ne vivent que des cachets obtenus lors de rares prestations crient à l’asphyxie financière. Pensez- vous qu’au sortir de cette crise des réflexions pourront être proposées pour
Vous savez, avant cette pandémie rien n’était vraiment organisé. Il est temps que les artistes travaillent sur des mécanismes d’accompagnement sur le court, moyen et long terme. Les acteurs culturels doivent songer à créer une mutuelle de soutien pour les artistes en difficulté.
Il est vrai que les artistes doivent se réunir et envisager des solutions pour eux, mais qu’en est-il des dirigeants ?
Mon souhait est que les plus hautes autorités s’intéressent à l’économie de la culture en créant les conditions favorables au développement et à la structuration de ces filières. Retenons que notre diversité culturelle peut permettre aux opérateurs culturels et artistes de se démarquer face à la concurrence planétaire causée par la globalisation.
Nous arrivons au terme de notre entretien, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Je termine par cette citation de la sagesse punu : “Dirende katsiaghu,mughumbi katsi ngana” qui veut dire “le palmier de petite taille est ton oncle, le grand palmier est l’oncle des autres”. En d’autres termes, il est mieux de fréquenter son parent pauvre que de s’accrocher à une simple connaissance en raison de sa richesse. Ceci pour dire que nous devons d’abord prendre soin de vulgariser notre diversité culturelle avant de s’identifier à d’autres. Diboty à la rédaction pour cette interview. Que vivent la culture et les arts du Gabon.
Jean Pierre Moudjalou est également l’auteur du livre “La valorisation du PCI transfrontalier de l’ethnie punu: Quelles sont les solutions à trouver face à la menace de disparition du patrimoine culturel immatériel punu (Congo-Gabon) ?”.
Crédit photo : Kumu Ilangwa