Aucun filtre, aucune langue de bois, des collaborations choisies avec soin et des thématiques dans lesquelles chaque gabonais se reconnaîtra; le tout orchestré par Lord Ekomy Ndong. Le retour de Lestat XXL avec l’album “En attendant l’émergence” (EAE) ne pouvait être que réussi.
Le baromètre par excellence de la société gabonaise actuelle
Être le reflet de la société, n’était-ce pas le rôle du rap au départ? Crise post-électorale, chômage, kobolos, violence, pauvreté, sexe, corruption, etc. tout y passe. En 23 titres, Lestat XXL arrive à capter le pouls de la société gabonaise.
Comme si le temps s’y prêtait, les rappeurs gabonais de la première heure reviennent sur le devant de la scène grâce à ce qui les a toujours caractérisé: un franc-parler que certains qualifieraient d’impertinent.
Comme s’ils avaient compris notre nostalgie, dans le titre “DBRG”, Lestat, Tris et Do “Le micrographe” posent sur un beat à l’ancienne qui nous rappelle l’époque où le Hip Hop gabonais faisait figure de leader, avec d’autres, en Afrique francophone.
Tout de suite après ce morceau, nous sommes replongés dans notre réalité, ou plutôt, dans celle de ceux qui vivent “Dans les madwaka”, assurément le titre de l’album qui exprime au millimètre près la vie quotidienne dans les zones défavorisées de Libreville.
Des difficultés qui trouvent un écho dans “Longtime” où il est question de cet environnement social qui poussent certains jeunes dans le banditisme, puis en prison où les conditions d’incarcération et l’absence de réelles politiques de réinsertion n’arrangent rien à la situation.
Autre bijou de cet album, “Nouvelle Afrique” crée un pont avec le reste de l’Afrique sur un sujet récurrent : l’éveil des consciences pour une Afrique plus forte, puissante et totalement indépendante grâce à ses ressources naturelles et sa matière grise.
Des collaborations taillées sur mesure
Qui de mieux que Lord Ekomy Ndong pour assurer le retour de Lestat XXL ? Avec cette production pointue, il nous démontre une fois de plus son génie. Malgré la distance, Lord Ekomy Ndong, et par extension Movaizhaleine, reste présent et pertinent dans sa lecture des gabonais et ceux qu’ils vivent.
Avec Chef Keza, il ne pouvait que poser sur des sons comme “Drapeau” et “Opposant”, une étiquette qu’on colle un peu trop facilement à toute personne donnant un avis critique sur le Gabon d’aujourd’hui.
Autre sujet sensible et même tabou, ”Enfant du dehors” featuring Naneth aborde la question des enfants “illégitimes” qui grandissent loin de pères qui se focalisent sur leur première famille. Lestat rend aussi hommage à ces mères courageuses qui élèvent leurs enfants avec dignité et amour.
Avec Cam et IseeHigh, Lestat livre une belle déclaration d’amour d’un père à son enfant. “Petits bouts” réunit trois hommes qui parlent de parentalité et de l’importance de la présence du père dans la vie d’un enfant.
Latchow fait un retour fracassant depuis quelques mois, le lover a contribué au titre “Le a de la nga” qui magnifie la femme et la met sur un piédestal. Une collab harmonieuse.
“Le mari” est une jolie performance de Seth Nkolombia. Cette chanson rappellera à certains leur enfance grâce à un sample de François N’Gwa.
“Mes éléments” avec Bak Attak est le titre qui donne envie de se mettre en ordre de bataille. Un flow limpide, rapide et entraînant.
Lestat a réunit pas moins de 13 artistes sur cet album (Do, Tris, Latchow, Naneth, Seth Nkolombia, Bak Attak, Jedah, Wonda Wendy, Krystal Killer, CAM, Iseehigh, Jae Maf, Rodzeng) et revisité des morceaux de grands noms de la variété gabonaise (Aziz’Inanga, Pierre-Claver Akendengué, François N’Gwa, Yves Delbrah) et africaine (Zao) avec des samples bien menés.
“En attendant l’émergence” est un album complet, produit avec efficacité et qui ouvre la voie pour une année qui redonnera très certainement sa place au rap gabonais engagé.