Jessica Allogo est une jeune femme au sourire aussi raffiné que ses Petits pots de l’Ogooué. Cette entrepreneure, que rien ne prédestinait à faire et à vendre des confitures, est aujourd’hui une des figures du made in Gabon et une fervente défenderesse du terroir gabonais. Dans cette interview, elle nous raconte son parcours, son choix d’avoir tout plaqué pour se lancer dans l’entrepreunariat et les défis auxquels elle fait face au quotidien pour s’en sortir.
Bonjour Jessica Allogo, merci pour votre disponibilité et d’avoir accepté notre invitation pour cette interview afin que nos lecteurs puissent en savoir davantage sur vous et votre parcours. Déjà comment allez-vous ?
Bonjour et merci pour votre intérêt pour Les petits pots de l’Ogooué. C’est un réel plaisir d’échanger avec vous sur mon parcours et l’histoire de notre jeune marque.
Après un parcours honorable dans vos études en ingénierie et par la suite une brillante carrière dans une société pétrolière de la place vous avez décidé de tout plaquer pour vous mettre à votre propre compte. Pourquoi ce choix, comment est né ce déclic de vous lancer dans l’entreprenariat ?
Je suis tombée dans la bassine à confiture un peu par hasard ! Tous ceux qui me connaissent un peu savent que je suis une grande gourmande et fin gourmet. Le désir qui m’animait en me lançant dans cette belle aventure était de laisser libre cours à ma créativité, exploitant les talents qui sommeillaient en moi et vivre une expérience qui me passionnait. Avoir un projet exaltant, qui mettait mon cerveau en ébullition jusque tard dans la nuit et me donnait envie de me réveiller le matin avec le sourire. Avec le temps, les commentaires positifs et les encouragements de ma communauté, ça s’est transformé en aventure entrepreneuriale, mais il est vrai que vu mon parcours professionnel et personnel, rien ne m’y prédestinait dès le départ.
Tout ça a commencé avec un cadeau : un cageot de mangues trop mûres ! Cadeau qui m’a été offert en Birmanie par Kyaw Kyaw Tun, un homme plein de générosité et de bienveillance.
Je pense qu’il y a des instants, des moments suspendus dans nos vies où les étoiles sont alignées et tout l’univers conspire pour nous orienter dans une direction, sur un chemin. Notre chemin de vie, qui nous permet de nous révéler à nous-même et donner un sens à notre existence. Pour pouvoir se réaliser, il faut être à l’écoute des signaux, savoir les suivre sans trop se poser de questions et surtout faire confiance à son instinct.
Après quelques années de carrière, j’étais dans une période de doute et de remise en question. La vie que je menais était-elle en adéquation avec mon moi intérieur, mon équilibre personnel, familial, émotionnel, intellectuel ? J’avais le sentiment que tout ça n’était pas cohérent, et que je n’étais donc pas en harmonie avec moi-même. La naissance de mon fils m’a aussi fait mettre beaucoup de choses en perspective sur l’orientation que je voulais donner à ma vie et mes priorités. Les événements se sont enchaînés et j’ai trouvé naturellement les réponses et ma voie.
Comment vos proches et votre famille ont-ils accueilli cette décision ?
Ma famille et mes proches me soutiennent à 100% depuis le début. Ce choix leur est apparu naturel et ils m’ont tous encouragé. Ils partagent cette aventure avec moi, chacun intervenant à des niveaux différents. Ils sont tous très fiers du chemin parcouru en si peu de temps.
L’entreprenariat est perçu par beaucoup comme un monde rempli d’incertitudes, d’inconfort et d’insécurités. Partagez-vous cet avis ?
L’entreprenariat est surtout un monde d’opportunités, de créativité et d’abondance. Il n’y a rien de plus épanouissant que de travailler sur soi et se développer dans un domaine qui nous passionne. De créer des concepts dans son esprit, d’œuvrer pour les matérialiser et de les partager avec le public. Créer de belles choses dont on est fier. Ecrire son histoire, marquer son temps, et influencer à sa façon l’histoire d’une nation.
Il est vrai que c’est risqué, qu’il y a des incertitudes. Mais lorsqu’on est guidé par la passion, le goût du partage, le goût de l’effort et qu’on croit en soi, Il n’y a pas de crainte à avoir. On ne peut qu’être gagnant d’une façon ou une autre. Il faut garder à l’esprit que ce qu’on crée aujourd’hui ce n’est pas pour soi. On apporte sa pierre à un édifice bien plus grand que soi-même et son entreprise. Édifice dont jouira peut-être nos enfants voir petits-enfants.
Rendre les gens heureux, les faire voyager, partager la convivialité avec nos petits pots, une mission qui en vaut le sacrifice
Aujourd’hui chef d’entreprise, parlez-nous de ce fabuleux projet que vous avez mis en place « Les petits pots de l’Ogooué » ?
Les petits pots de l’Ogooué est une marque d’épicerie fine, une marque qui invite à voyager au cœur des saveurs inspirantes de l’Afrique. Une collection de confitures raffinées à base de fruits du terroir, pour des saveurs d’exception qui racontent une Afrique généreuse et authentique.
Nous proposons bien plus qu’un pot de confiture. Nous proposons une histoire. Celle des producteurs de fruits de notre terroir, le Gabon. Celle des hommes et des femmes qui les travaillent avec passion. Celle de nos clients qui nous accompagnent dans cette aventure.
Nous défendons des valeurs de commerce équitable et de développement durable. Il est important pour nous de valoriser le terroir et les communautés locales qui le développent. Nous nous appuyons sur un réseau de producteurs indépendants et coopératives que nous rémunérons en direct au juste prix. Cela nous permet de nous assurer que les fruits sont issus d’une agriculture raisonnée et cultivés dans une perspective de développement durable. D’autre part, il est important de faire bénéficier les communautés qui contribuent à notre chaîne d’approvisionnement en créant de la valeur pour eux. En gardant cette philosophie nous nous assurons de garder la valeur ajoutée dans la chaîne de production et la redistribuons aux bonnes personnes.
J’ai à cœur les beaux produits fait avec amour, passion et engagement. L’image que l’on a des produits Made in Africa est souvent une image de produit de qualité médiocre. Mon souhait est de dépoussiérer cette image et démontrer que nous pouvons ici en Afrique faire des produits d’excellence. Des produits qui véhiculent des valeurs positives de partage, de convivialité, d’art de vivre, et de transmission.Il est important de remettre l’Humanité au centre de la réflexion en matière d’alimentation, se reconnecter au terroir, consommer sain et responsable.
Qu’est-ce qu’on trouve de particulier dans ces confitures ?
Nous nous employons à proposer des saveurs innovantes et créatives inspirées de mes voyages, de mon quotidien, du terroir gabonais. J’ai longuement travaillé sur les techniques de cuisson et les mélanges afin de préserver le goût, la texture des fruits et ainsi les sublimer. Il est important pour moi de proposer un produit qui ait une âme et qui soit cohérent dans sa globalité. Le packaging, les noms des confitures, les mélanges, tout dans le processus de création est inspiré et forme un ensemble cohérent.
Nous avons aujourd’hui une gamme de 10 saveurs, autour de l’ananas, la mangue, les fruits de la passion, la papaye, les pamplemousses, les oranges tropicales.
Comment votre clientèle réagit par rapport à votre produit aujourd’hui ?
Notre marque est bien accueillie et jouit d’un capital sympathie important. Notre clientèle apprécie la qualité de nos produits et le souci du détail. Nous travaillons sur l’agrandissement de notre réseau de distribution afin de faire connaître notre marque et nous imposer comme la référence en termes de confiture Made in Gabon.
Envisagez-vous également dans un futur proche d’exporter “Les petits pots de l’Ogooué ” vers d’autres pays ?
Notre souhait est de faire connaître notre produit à l’international afin de valoriser la production gabonaise et accroître son rayonnement. Nous sommes cependant confrontés à de nombreuses problématiques en matière d’exportation :
1-La compétitivité : il s’agit ici d’un produit de niche à forte valeur ajoutée, cependant les coûts de production très élevés rendent le produit peu compétitif à l’export. L’agri-business tournent autour d’une chaîne de valeur qui va du producteur au transformateur. Nous, transformateurs sommes en bout de chaîne. Tant que toute la chaîne de valeur ne sera pas optimisée, nous aurons des produits finis transformés coûteux. Le kilo d’ananas est à 500 FCFA au Gabon quand des pays comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire sont entre 50 et 100FCFA/kg.
2-Les barrières à l’exportation : les frais douaniers à l’export et les coûts de transit importants au départ du Gabon sont un véritable frein aux exportations. Nous sommes contraints d’importer une grande partie de notre matériel, emballages, machines etc… Nous payons des frais de douane importants à l’import et nous devons aussi payer des frais de douane pour ces mêmes produits, une fois transformés lors que nous voulons les exporter…
C’est toute une réflexion multi-sectorielle qu’il faut mettre en place afin d’optimiser les process et la chaîne de valeur afin de pouvoir proposer des produits compétitifs à l’international.
“L’important est d’avoir réalisé à la fin de la journée une action aussi petite soit elle qui nous a fait progresser”
Quelles sont les difficultés rencontrées depuis son lancement et comment arrivez-vous à y faire face ?
Produire au Gabon est une expérience très challenging, les défis et les difficultés sont multiples et à différents niveaux.
- Les coûts de revient très élevés ; qui nous contraignent à pratiquer des coûts de vente élevés tout en ayant paradoxalement des marges très faibles qui ne nous permettent pas de faire des profits suffisants pour développer nos entreprises et vivre de notre activité.
- L’aspect technologique, nous avons un accès très limité à la technologie ce qui constitue un véritable frein :
- A la recherche et développement pour la création de nouveaux produits
- A l’évolution des produits existants
- A l’optimisation de la chaîne de valeur agricole
- L’accès limité au laboratoire pour la certification des produits et les tests hygiène/qualité. Nous ne disposons pas localement de laboratoire d’analyse et d’accompagnement technique nécessaire aux tests de nos produits. Comment peut-on espérer avoir des produits aux standards mondiaux en l’absence de laboratoire nous permettant de conduire toutes les analyses menant à la certification des produits. Il nous faut mener ces analyses à l’extérieur dans des laboratoires privés pour des coûts importants, ce qui ralentie énormément notre développement.
- L’environnement administratif sclérosé
- L’absence d’accès au financement, on en peut pas se développer sans argent. Les banques n’accompagnent pas les porteurs de projet. Quand certains organismes financiers le font c’est à des taux d’intérêt prohibitifs et sur des durées très courtes qui rendent les échéances mensuelles de remboursement irréalistes et induisent une pression financière énorme sur les entreprises
Toutes ces difficultés ralentissent notre croissance et notre réactivité face au marché. Cependant, nous restons positifs et travaillons au quotidien afin de nous améliorer ; à notre rythme en assurant la qualité de nos produits. L’important est d’avoir réalisé à la fin de la journée une action aussi petite soit elle qui nous a fait progresser.
Vous êtes une chef d’entreprise, une épouse et une mère de famille, comment parvenez-vous à concilier toutes ces responsabilités au quotidien ?
La gestion du temps est une question épineuse, entre les rendez-vous chez le médecin, les réunions de travail, les réunions de parents d’élèves, les activités des enfants, on jongle au quotidien avec l’impossible. D’autant plus que le milieu professionnel est bien souvent cruel.
Ma vie à un rythme un peu de dingue, mais j’ai un besoin vital de travailler, je ne pourrais pas y renoncer. Il faut avoir une sacrée force pour assumer son rôle de maman, d’”executive woman”, de maîtresse de maison… Toutes les casquettes ne sont pas faciles à assumer à longueur de temps d’où des “craquages” de temps en temps. Mais c’est un peu ça la vie non ?
Les femmes, étant maîtresses de nos choix, marital, professionnel, de la naissance des enfants, subissons, une sorte d’injonction de réussite. On veut tout bien faire, être femme, amante, mère et brillante au travail et en affaires. C’est tellement tendu qu’il suffit d’un petit grain de sable pour enrayer la machine ; le petit se réveille avec une grosse fièvre et tout part en vrille.
J’essaye aujourd’hui de garder des plages horaires réservées à mon fils, d’autres à mon compagnon, d’autres à m’occuper de moi ; pendant lesquelles je passe du temps de qualité, concentrée à 100% sur eux. Je m’interdis d’allumer mon ordinateur, et même de consulter mes mails ou mes alertes Facebook.
Je délègue au maximum! Qu’est-ce que je peux ne pas faire par moi-même ? Le jour où j’ai commencé à me poser cette question sans culpabiliser, j’ai gagné un temps fou. C’est dingue, d’ailleurs, comme les autres deviennent performants quand on leur lâche la bride. Au boulot comme à la maison !
Avez-vous un conseil à prodiguer à celles et ceux qui hésitent encore à oser vivre de leur rêve ?
Il faut envisager l’avenir avec sérénité et positivisme. Quand on a une passion, un projet qui nous habite, il ne faut pas hésiter à le concrétiser et vivre son rêve. Être HUMBITIOUS (humilité + ambition), commencer petit, à hauteur de ses moyens et avoir des plans ambitieux pour l’avenir.
Proposer une vision, des valeurs et non un produit ou un service. Travailler, investir sur sa marque et soigner sa relation clients. Ce sont ces éléments qui font la différence entre 2 entreprises.
Quels sont les contacts sur lesquels on peut vous suivre et se procurer Les petits pots de l’Ogooué ?
Nous avons des pages actives sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram, j’invite les lecteurs de Gabon célébrités à visiter nos pages : « Les petits pots de l’Ogooué ». Nous sommes joignables via WhatsApp au +24102190586.
Nos petits pots sont disponibles sur Libreville à la boulangerie La parisienne (Avenue de Cointet), au restaurant La crêperie (Monté de Louis) et en vente direct à notre dépôt situé Derrière le camp de Gaulle.
A Port Gentil, vous pouvez retrouver les produits à la boutique Cazadéco (au centre-ville) et en vente directe à notre atelier sis à Matanda.