Arrivée par hasard dans le métier d’opérateur et manager culturel, Magali Palmira Wora a su petit à petit gravir les échelons pour devenir aujourd’hui l’une des rares femmes à s’imposer dans un milieu réputé masculin. En tant que manager d’artistes sur le continent, elle a bien voulu répondre à nos questions pour nous parler de ses débuts, son parcours, les difficultés traversées et faire le point sur la définition du rôle de manager; ce que cela implique ainsi que ses rôles et devoirs. Une interview riche d’enseignements que l’on vous invite à découvrir.
Magali, tu es aujourd’hui un excellent manager international dans le domaine culturel urbain, c’est-a-dire dans la gestion de la carrière des artistes. Pourquoi avoir choisi ce métier ?
Je n’ai pas choisi ce métier. Je dirais qu’il m’est tombé dessus. En effet, je rêvais de devenir interprète de conférence en français-allemand. Quand j’ai eu le Bac en 2001, la filière langue germanique n’existait pas à l’Université et je n’ai pas eu l’opportunité ni les moyens d’aller poursuivre mes études à l’étranger. Alors que je me cherchais en tant que technicienne radio sur Radio Émergence, le rappeur NGT est venu vers moi pour me demander d’être son manager. Je suis donc rentrée dans ce milieu de manière autodidacte et après je me suis formée progressivement.
Parle nous de l’association dont tu as la responsabilité REAL BLACK MUSIC, de quoi s’agit-il et quelles sont ses missions principales ?
REAL BLACK MUSIC a longtemps été une structure de management artistique. Cependant, j’ai diversifié mes activités et je fais désormais dans la formation d’acteurs culturels, du booking d’artistes et de événementiel pour grand public.
Peux-tu nous citer quelques artistes dont tu assures la valorisation la carrière et aussi ce que cela t’apporte personnellement ?
Par le biais de Kendrick Mboumba, nous développons au Gabon, la carrière de Queen Koumb. Vu que c’est une artiste de musique d’écoute, le développement est quelque peu long, mais qui va lentement va sûrement. Nous développons aussi la carrière du rappeur Biz Ice au Congo. Je fais de l’accompagnement de carrière pour Stanley Enow et Magasco, au Cameroun. Et enfin du booking pour Ba’Ponga et pour Toofan du Togo.
Quels sont les critères indispensable pour être un bon manager d’artistes ?
Le métier de management est un métier de relations dans lequel nous devons user de beaucoup de diplomatie, de tact et de finesse. Il est important que le manager ait de bonne aptitude dans la négociation. Tous les contrats ne se négocient pas de la même manière. Un bon manager doit connaître son domaine d’activité. Par exemple, être capable de constituer avec un technicien de la scène une fiche technique pour son artiste. Nous devons être à même de travailler dans toutes les conditions de travail possible, bonnes ou pas. Nous sommes en vérité des solutionneurs.
Au vu de ton parcours et de ta longue expérience, quel souvenir gardes-tu de ton métier de manager d’artistes et ton pire souvenir ?
Toutes mes expériences dans ce métier sont fabuleuses. Chaque projet est unique et ne ressemble jamais à un autre. Et de toutes ces expériences fabuleuses la plus fabuleuses reste les MTV Africa Music Awards 2010 à Lagos avec Ba’Ponga. Tout était fabuleux! La scène, la logistique, l’accueil, les stars réunies (Eve, Sarkodie, 2 Face, Diamond, Banky W…). Et surtout être honoré pour le métier que l’on fait alors que dans notre propre pays on n’a pas cette reconnaissance.
Le moins fabuleux, mais tout aussi génial, c’est une prestation avec le groupe Secta’a, à Ouayigouyah une ville dans le Burkina profond. Hôtel crados, scène crados, véhicule crados, c’est là-bas que j’ai découvert le poulet bicyclette. Bref. Une date difficile mais dont on a tiré des leçons de vie.
On remarque malheureusement qu’être un opérateur culturel n’est pas encore assez mis en avant en Afrique, à quoi cela est-il dû à ton avis ? Y-a-t-il des solutions pour y faire face ?
Je trouve qu’il y a une nette amélioration quant à la considération des opérateurs et managers culturels en comparaison à mes débuts. Pour arriver à une meilleure considération c’est de manière collective que nous devons travailler. L’Etat doit mettre le cadre juridique et légal pour que nous, acteurs culturels, puissions évoluer. Les acteurs culturels doivent se former. Nous avons besoin de têtes compétentes pour changer les choses pas des égos indomptables. Les artistes doivent se former au métier qu’il pratique car être artiste c’est un métier. Le fait de chanter ne donne pas droit automatiquement au statut d’artiste. Toute l’industrie musicale doit devenir compétitive et ça passe par la formation des acteurs de ce secteur.
Tu es la représentante officielle des pays francophones de Rockstar 4000/Sony Music. Comment s’est nouée ta collaboration avec ce label ?
Un ami, Terence Nzé Bekale, a remis mon contact à ce label car il voulait rentrer en contact avec Movaizhaleine pour développer le concept Airtel One 8 (qui était le projet de rebranding de cette marque) avec R. Kelly, Fally Ipupa, 2Face Idibia et bien d’autres. Au terme de cette collaboration fructueuse ils ont voulu qu’on continue de travailler ensemble et j’ai accepté.
Tu es gabonaise et on suppose que malgré toutes tes responsabilités tu as un regard très particulier sur l’actualité du divertissement et du showbiz au Gabon. Comment décrirais-tu le paysage musical gabonais dans son ensemble et du hip-hop en particulier ?
Moi je suis d’une génération qui a connu V2A4, Raabon, Movaizhaleine… Qui a fredonné « L’Histoire » de Hayo’e ou « Quand j’avais de la Money » de New Skool. Je dirai que mes oreilles sont puristes en matière de rap de manière générale. Je vais plus écouter Youssoupha que Kaaris, écouter Sarkodie que Kiff No Beat. Ça ne veut pas dire que je suis insensible aux tendances actuelles dont la trap. Cependant, mes oreilles ne se retrouvent pas dans ce qui est fait actuellement au Gabon. Autant commercialement que artistiquement. On a quelques individualités comme Okoss qui tentent tant bien que mal de tenir le flambeau. En RnB, on a Jey Rspect Me qui sort du lot et dont j’ai vu une performance live de qualité à la dernière Fête de la Musique, on a J-Rio qui fait des choses intéressantes quand il se donne la peine. Cependant, il y a ce sentiment de tourner en rond, que tous les artistes font les mêmes choses, et qu’on est bluffé par rien. Cependant, je garde espoir d’être de nouveau bluffé par la musique urbaine Gabonaise.
Un mot sur la non-participation d’artistes gabonais au MTV Africa Music Awards 2015 ?
A MTV, nous observons l’activité d’un artiste durant toute une année et l’impact de cette activité sur l’industrie dans son PROPRE pays d’abord puis à l’échelle du continent. Pour choisir les nominés nous avons deux étapes : les choix internes des représentants de zone, puis les choix des médias et hommes/femmes de culture à travers le continent. Il est indubitable que J-Rio a eu un impact sur la musique urbaine gabonaise (et d’ailleurs il était sur la première liste de choix internes) sauf que cet impact n’a pas dépassé les frontières du pays au point d’être continental.
Le nombre de vues d’une vidéo sur YouTube est un critère de la popularité de l’artiste. Le nombre de représentation à l’année est un critère de popularité. Donc même si J-Rio est un vrai phénomène musical au Gabon, son absence à l’échelle internationale a été un handicap pour lui dans nos choix. Et chez les anglophones, que tu sois gabonaise ou pas, ne change rien à l’objectivité qu’on doit avoir dans nos décisions.
En toute objectivité quel est selon toi l’artiste gabonais ayant le plus de potentiel pour “percer” un jour et être au même niveau d’artistes africains tel que Stanley Enow par exemple pour ne citer que lui et serais-tu prêtes à travailler avec lui afin de le faire passer à un niveau supérieur?
Cette question est compliquée parce qu’en ne citant que des noms, cela pourrait se retourner contre moi. Que chaque artiste travaille à être compétitif artistiquement et “organisationnellement” parlant.
Il y a quelques semaines ont a pu observer ton implication assez massive et ta solidarité sur les réseaux sociaux contre l’injustice subie par l’animateur de l’émission Couleurs Tropicales, Claudy Siar, concernant sa radio Tropiques FM, occasionnant ainsi une grève de la faim de ce dernier pour se faire entendre. Était-il primordial pour toi d’apporter ton soutien à Claudy ? Et à quel niveau ce dossier se trouve actuellement ?
Claudy Siar a été celui qui m’a encouragé à mettre en place REAL BLACK MUSIC et à m’aider à trouver les financements pour le lancement de mes activités. Il a donc été un parrain pour moi. C’était donc logique pour moi de soutenir quelqu’un qui a cru en moi. Alors que dans mon propre pays on n’a pas cru en moi. Concernant Tropiques Fm, le dossier est toujours en court. C’est une bataille juridique assez ardue. Cependant, le concerné communiquera sur l’aboutissement de ce dossier au moment opportun.
On te sait très croyante, ceci se remarque au vu des posts que tu publies régulièrement sur ton compte facebook, la place de Dieu est-elle très importante pour toi, à ton équilibre personnel et pour le bon fonctionnement de tes entreprises ?
Dieu c’est mon tout. Je n’ai pas toujours été quelqu’un au caractère tempéré mais Dieu au travers des enseignements de mes pasteurs (Michel Ambouroue, Mike et Nadia Jocktane) travaille à me rendre meilleure. Je ne suis pas issue d’une famille aisée et j’aurai pu finir mal mais Dieu m’a mis à part pour le glorifier au travers de mes activités. Je me bats à avoir une vie disciplinée et c’est extrêmement important pour moi.
Un conseil pour celles et ceux désireux de faire comme toi et devenir des managers culturels urbains ?
Vous avez plus d’opportunités pour exercer ce métier. Allez-y vous former et venez améliorer l’industrie de la musique africaine.
As-tu un dernier message à faire passer à nos nombreux lecteurs ?
Jésus c’est le Kinda des kinda, le Big des big, le Roi des rois. C’est vrai, il y a beaucoup de kongossa et de questionnement autour de sa personne mais vrai vrai c’est le seul qui est ressuscité des morts. Donc le mieux c’est de croire en lui, de lui donner sa vie et de le laisser conduire nos vies. C’est le meilleur conseil.
On arrive au terme de notre entretien exclusif. Merci encore Magali d’avoir accepté notre invitation.
Merci à vous pour cette tribune. Et que Dieu vous soutienne dans vos projets.
AMEN !!!