Titre énigmatique, direz-vous, mais c’est finalement la morale que l’on tirera des deux après midis passées à l’UOB dans le cadre des projections scolaires et étudiantes organisées par l’équipe des Escales documentaires de Libreville.
L’idée était louable : sortir le festival de l’enclave que constitue l’institut français, permettre aux étudiants -bénéficiant qui plus est de la gratuité à toutes les séances- de visionner des films non disponibles sur le marché de l’audiovisuel gabonais, et utiliser la grande salle de projection, 1500 places qu’offre le grand préfabriqué. De quoi séduire tout spectateur curieux et désireux de s’ouvrir le monde.
Malheureusement, ce profil idéal semble relever de l’oiseau rare dans l’enceinte de l’université.
Si le film du français Joel Calmettes Nelson Mandela, au nom de la liberté, ne déchaina guère les passions tant son propos relève du panégyrique peu distancié du le père de la « Nation Arc en Ciel », le public semble avoir fort peu compris les leçons de Madiba si l’on considère ses réactions le lendemain.
C’est en effet dans un brouhaha agressif et vulgaire qu’a été projeté jeudi Bintou, film coproduit par l’Allemagne et le Burkina et mettant en scène la vie modeste les rêves d’une jeune couturière burkinabé victime d’un viol. Comment en effet comprendre les hurlements poussés par les étudiants devant des scènes filmant une rue de Ouaga défoncée par la pluie – n’est ce pas pourtant la même situation que l’on observe à l’extérieur même de la salle ? – ou une enfant de six ans nue que l’on est en train de laver-peut être ces jeunes hommes se lavent-ils habillés- ? Faut-il lire dans ces réactions pas même potache la répugnance à voir sa propre réalité filmée, comme pour mieux la dénier ? Toujours est-il que devant les rires gras des jeunes hommes, on en est même venu même à se réjouir que la salle inattentive n’ait pas compris de quelle violence l’héroïne a été la victime. L’ensemble du public s’est donc retrouvé dans l’impossibilité de goûter à ce portait intime d’une jeune fille intègre et ce malgré la tentative de débat lancé par la jeune réalisatrice Simone Catharina Gaul, les rappels à l’ordre de la présidente de l’UFR de lettres, ou tout simplement la pitoyable image que les étudiants offraient de leur établissement à leur petits frères venus des établissements secondaires. Si l’on demanda à Mlle Gaul quel était l’intérêt de son film, sa réponse invitant à la découverte de l’autre fut accueillie sous des huées…
Devant une telle hauteur d’esprit, le second film de l’après midi My land Nabil Ayouch sous titré parcequ’en Arabe et Hébreux ne pouvait que décourager nos brillants énergumènes s’exclamant « Mais c’est quoi cette langue ? » avant de quitter bruyamment la salle. Ce départ aura au moins eu le mérite d’offrir aux élèves du secondaire une projection dans des conditions normales et la découverte d’un film sensible offrant des portraits croisés de Palestiniens et Israéliens – et oui, il y a un monde à l’extérieur du Gabon !- et invitant le spectateur à s’interroger sur la fragilité de la notion de vérité. Mais sans doute était-ce trop demander à certains…