Grosse figure de la culture urbaine au Gabon et en Afrique, artiste aux multiples facettes, homme d’affaire, Franck Baponga a accordé quelques minutes de son temps à Gaboncélébrités pour un entretien exclusif dans son magasin k/k sis entre Centre Affaire Rénovation et le St Germain(En face de la mosquée ) le tout sous le regard de son épouse Anna- Paule.
GABON CELEBRITES: Bonjour Franck, merci de nous recevoir et de nous donner ces quelques instants avec toi. Comment se porte l’animal ?
Franck Baponga : Bonjour ça va bien, juste un peu fatigué par la pression, les nombreuses activités, mais ça va.
G.C : Comment se vend ton dernier album « Or’felin D’art mur ?
F.B : Je n’ai pas encore tous les rapports vu que je suis un peu à gauche et à droite en ce moment, mais physiquement il s’est bien vendu sur le marché local. Maintenant, on va attaquer une nouvelle promo en ligne. Il est sorti physiquement il y a un an, puis 5 mois plus tard en ligne. Donc, là, je vais repartir donner un coup d’accélérateur pour la promotion en ligne.
G.C : Pour certains, l’industrie musicale a reculé ces dernières années au Gabon. Partages-tu cet avis ?
F.B : Oui, mais en fait ce n’est pas tellement que l’industrie musicale gabonaise recule, mais plutôt que nous avons pris conscience de notre retard. Nous n’avons pas commis d’erreurs, par contre, nous manquons cruellement de bases et ce depuis belle lurette. Jusqu’à peu, on pensait que l’on faisait de la musique alors qu’en réalité on s’amusait. Les artistes eux-mêmes considéraient leur production comme un hobbie et non un vrai métier. Et, maintenant, on voit que la musique ailleurs c’est bel et bien un métier, alors on se dit que l’on est en retard. Non…on n’a jamais commencé.
G.C : Comment analyses-tu alors la faible exportation de la musique gabonaise au-delà de nos frontières ?
F.B : Hé bien, c’est dans la suite logique de ce que je viens de dire. Quand on dit métier on parle de tout un staff, ce qui veut dire qu’autour d’un musicien, il y a un manager, un staff administratif, un producteur etc. Cette équipe permet l’exportation de la musique. Ici, on voit les artistes en singleton, cela veut dire quelqu’un qui seul va au studio, paye ses heures, paye le clip avec l’argent qu’il peut avoir, essaye de le faire passer à la télé, à la radio etc.… Le Gabon ne possède pas de véritables maisons de production. Davido, lui, il n’est pas tout seul, il a tout une machine derrière, une multitude de personnes ayant des moyens pour faire avancer sa musique.
G.C : Des solutions ?
F.B : La solution, c’est la discussion. Il faut s’asseoir autour d’une table, discuter, comprendre, analyser et voir ce qu’il nous manque pour au final inventer de vrais métiers. Moi, je suis encore là parce que depuis tout petit J’ai toujours voulu être musicien. Mais, combien ai-je de “casquettes“ ? Quand on regarde en arrière, on constate que les gens qui nous ont fait avancer, tels que Monsieur Georges Kamgoua avec KAGE PRO, Monsieur Jean-Yves Messan avec le studio Mandarine,ce sont des gens qui nous ont aidé grâce à leurs structures en enregistrant nos chansons et qui gagnaient aussi leurs bouts de pain.Quant à la promotion de nos œuvres, ce n’etait pas forcement leur travail, leur boulot était de nous faire du son. Chez un artiste, c’est pas forcement la production la tache la plus lourde, c’est la promotion, la vulgarisation de l’œuvre de cet artiste et c’est cette partie qui est vraiment difficile et qui demande beaucoup de moyens. Il faut des relais, Cela veut donc dire une équipe à Libreville, un relais à Paris, à Dakar etc.…
G.C : Ta dernière vidéo Brille comme allie profondeur et esprit positif. Où as-tu trouvé l’inspiration ?
F.B : La chanson est née des plaintes que j’entends autour de moi. On passe trop de temps à se plaindre tout en acceptant nos conditions de vie. Quand on discute avec les frangins ou les frangines, ce sont les mêmes phrases qui reviennent : «Ah, nous les pauvres, nous les gens « d’en-bas » ». Je n’aime cette attitude car ce qui sort de notre bouche a un pouvoir et quand c’est le négatif qui est célébré alors c’est précisément le négatif que l’on va subir. Moi, je suis né riche, intelligent, je suis venu au monde avec pleins de richesses je respire, j’ai deux pieds, deux bras, il y en a qui viennent au monde avec des handicaps physiques, donc je ne peux pas comprendre que quelqu’un de valide déclare qu’il est pauvre. Avec cette chanson, j’essaie de provoquer une prise de conscience.
G.C : Est-ce un modèle à suivre pour les jeunes ?
F.B : Oui, car cette chanson prône l’excellence et moi mon travail, c’est valoriser l’excellence. Je me dis que si j’arrive à donner le meilleur de moi-même dans mon activité, je peux pousser d’autres jeunes à faire pareil. Que tu sois cordonnier, maçon, plombier ou entrepreneur etc. … Je suis comme un fer de lance, mon but n’est pas de juger, disant qu’untel est mauvais ou untel est comme ça, non moi je veux juste bien faire mon travail et j’aimerai que ceux qui comprennent mon action puisse faire de même.
G.C : Tu es aujourd’hui une figure emblématique de la musique Gabonaise mais aussi un serial entrepreneur. Tu cumules ton label de musique avec une marque de streetwear ‘K/K’ dont une nouvelle collection vient de sortir. Comment arrives-tu à concilier toutes ces responsabilités ?
F.B : Parce que, étant gabonais, j’ai pris conscience très tôt que je n’aurai pas la richesse de Jay-Z: démographiquement c’est impossible. Et puis, une fois le minimum pour vivre acquis, j’investis. Quelque soit le montée de mes gains. Par exemple tout le monde sait que dans les années 90, s’habiller au Gabon coûtait très cher. Alors face à ce constat, j’ai pensé qu’au lieu de payer des fringues à des sommes mirobolantes mieux valait faire les miennes. On a commencé avec Intche Jeans, c’est lui qui nous a tous inspirés puis après on a eu nos produits dérivés de Raaboon (t-shirts, Fu-gang etc. …) Dans le clip One time, si on se rappelle bien, je suis habillé tout en rouge. Or, le baggy que je porte, c’est moi qui l’ai dessiné. Ensuite, j’ai vu un tailleur pour qu’il me le confectionne avec mes réalités et mes idées. Tout cela a commencé en 2001, j’ai commencé à confectionner mes premiers baggy puis après j’ai fait 5 t-shirts, 10 t-shirts et aujourd’hui, voila, j’ai un magasin. Alors, les jeunes, inutile d’attendre d’avoir des millions pour créer son entreprise : tout démarre par une idée, que l’on développe petit à petit. Au début on se moque de toi, mais quand cela devient sérieux, les gens sont surpris.
G.C : En quelques mots, qu’est-ce que le SAPHIR ?
F.B : A l’ origine du SAPHIR, il y avait mon manque de visibilité, en tant qu’artiste solo Avant de quitter d’EBEN ENTERTAINMENT, j’ai tenté de créer de l’audience autour de moi. Donc, en bon entrepreneur en herbe que j’étais, j’ai créé ma structure. Ma première tâche a été la création du site www.baponga.com. Par la suite, le SAPHIR est devenu mon agent de communication, j’ai commencé à tourner des publicités et c’est le SAPHIR qui bossait dessus, puis j’ai collaboré avec le Ministère des Transports, avec le Ministère de la Sante et aujourd’hui chaque année, je travaille avec la Direction Générale de la Prévention du Sida (DGPS). Le SAPHIR est une boite qui veut accompagner les artistes dans leur recherche de contrats publicitaires ou promotionnelles. En somme c’est le côté Entertainment de l’artistique. Moi, j’aimerais même travailler avec des footballeurs, des sportifs. Par exemple, un basketteur comme Lasme Stéphane, que je considère comme le meilleur basketteur qu’on n’ait jamais eu au Gabon, je trouve qu’il n’est pas assez mis en lumière. Le SAPHIR pourrait l’aider.
G.C : En 2013 tu épouses…Une belle histoire d’amour. Tu peux nous en dire un peu plus ?
F.B : (d’un air décontracté). Oui j’ai épousé Anna-Paule. Un peu plus… je dirai que c’est digne d’un véritable scenario de film. C’est quelqu’un que j’ai rencontré un soir, qui a un peu fait la belle (rires), puis on s’est rencontrés à nouveau 6 mois plus tard et elle a encore fait la belle. J’ai dû patienter longtemps pour enfin devenir son complice, qu’on se lie d’amitié. Ensuite, on a appris à se connaitre. Donc voila, c’est aussi l’envie de se stabiliser, de se poser, l’envie de gérer avec quelqu’un qui te comprend, qui a la même vision que toi. C’est une battante, aujourd’hui par exemple c’est elle qui a repris la gestion de la marque K/K et celle-ci se porte très bien. J’ai un poids en moins, et puis, elle, c’est un ancien mannequin qui connait le milieu.
G.C : Que t’apporte-t-elle dans ta vie d’homme et d’artiste ?
F.B : Moi je suis quelqu’un de très instinctif, de très fougueux, le gars qui est tout le temps très inspiré. Donc quand il y a quelque chose à gérer mieux vaut le faire avec quelqu’un qui a les pieds sur terre et est ordinaire. Normalement la femme, c’est un être ordinaire, qui est posé, méticuleux, rangé…Donc, juste pour ça, je préfère qu’elle prenne le pouvoir. Moi, je reste sur ma lune (rires).
G.C : Tu es aujourd’hui un self-made-man accompli. Quel est le secret de ta réussite ?
F.B : J’ai pour coutume de dire que j’aurai réussi quand on sera 5 ou 6 comme moi. Pour l’instant, je ne suis qu’une exception. Maintenant je veux travailler avec mes petits-frères pour rattraper le temps perdu avec nos petits clashs inutiles. Concernant mon parcours, je pense que j’ai été, à un certain moment un pionnier. Bien sûr, sans manquer de respect au SIYA POSSI X ou du groupe V2A4 ou encore CONSCIENCE NOIR qui, eux sont les vrais pionniers du rap gabonais. Pourtant, je me considère comme un pionnier parce que j’ai été très vite rappeur businessman, le premier rappeur qui monte des affaires avec l’argent de sa musique. Petite anecdote, un jour, je suis avec une compagnie de téléphonie mobile qui veut acheter une de mes chansons dans le cadre d’une campagne publicitaire : c’était la première fois que l’entreprise initiait ce type de démarche avec un artiste. Cela veut dire que si les gens avant moi avaient dealé dans le business de la musique, j’aurai été tres vite un affairiste. Voilà pourquoi je dis que je suis un rappeur pionner c’est-a-dire dans le monde des affaires.
G.C : Quels souvenirs gardes-tu de ton passage du groupe Raaboon ?
F.B : Raaboon ce fut mon école. Avant je rappais comme un petit Français, Raaboon m’a ‘‘ nettoyé le cerveau ’’. Ils m’ont fait écouter du vrai rap à l’ancienne, à l’américaine, de la vraie raga à la jamaïcaine, du vrai son Gabonais Vickoss, Akendengue. Raaboon ce fut l’école de la scène, de l’écriture et surtout du hit. Tout cela sous la houlette de notre grand frère DJ aujourd’hui devenu Zang, mais aussi Tate Kombile qui était pour moi mon professeur.
G.C : Eben Entertainment, quelle expérience ?
F.B : D’Eben Entertainment je retiens le business. J’ai appris aux cotés de Monsieur Benquet. J’ai vu comment il gérait Korum Service. A un moment, je crois qu’il a été l’un des meilleurs en signalétique : tout ce qui est panneaux, signalisation, imprimerie. C’est quelqu’un qui, s’il avait un marché à 20h, pouvait appeler son équipe pour que cela soit prêt le lendemain à 10h. Nous, à Eben nous étions une sous boite en fait, parce qu’il y avait Korum, Ebena et Eben. Ce qui m’amusait, c’est quand Korum avait un très gros marché et qu’ils manquaient de main-d’œuvre, nous, les artistes d’Eben, nous allions mettre la main à la pâte. Moi par exemple j’ai appris à imprimer des t-shirts là-bas, à poser des affiches de façon professionnelle. Ensuite j’ai eu le studio à gérer, j’ai été Directeur Artistique, donc franchement professionnellement Eben Entertainment m’a beaucoup aidé.
G.C : Dernière question, tu as ouvert la voie pour des artistes tels que Koba, aujourd’hui Eunyce. Pourtant, certains disent que les anciens s’impliquent très peu pour aider les jeunes talents. Quelle impression ça te fait de voir ce qu’ils sont devenus ?
F.B : Je travaille avec beaucoup d’artistes mais ils ne le disent pas forcement. En dehors de Koba qui était signé sur Negrattitude et d’Eunyce, j’en ai conseillé beaucoup. Par exemple, chaque fois que Manitou l’humoriste a un hic ou un point d’interrogation dans sa tête, il m’appelle. Mon expérience en business l’aide. Aujourd’hui, je suis content quand je le vois sur les publicités d’une agence de téléphonie mobile. Mais bon, ce sont des choses que l’on avoue rarement. Réussir seul ce n’est pas une réussite, cela ne veut rien dire. Pour moi la vraie réussite, ça se partage. Je vais organiser, comme je te l’ai dit, avec l’aide du Ministère de la Culture des ateliers afin d’échanger, et créer de nouvelles structures. Quand les choses avancent dans ce sens, je suis fier et content.
G.C : Merci, nous voila à la fin de cet entretien exclusif, un dernier mot pour tes fans ?
F.B : Je suis là, heureux du soutien qu’ils m’apportent. J’aimerais que l’on soit tous solidaires dans ce qu’on entreprend et que l’on porte la musique Gabonaise encore plus loin. Seuls les Gabonais peuvent imposer leur musique. Moi je suis content de ce que Pheel Pambou par exemple fait sur Paris en tant qu’animateur d’Africa no1. Les artistes Gabonais doivent faire écouter de la musique Gabonaise à leurs collègues, que les étudiants Gabonais imposent la musique du pays dans les campus, dans leurs chambres, à l’étranger. On perd trop de temps à se critiquer de manière non constructive. Il faut rester positif et accepter les autres avec leur différence.
Merci GABON CELEBRITES.