L’Institut Français du Gabon (IFG), a servi de cadre pour la projection le 03 Avril dernier, de la série télévisée intitulée « Sens Dessus Dessous », de la réalisatrice gabonaise Matamba Kombila. Une série composée de 9 épisodes de 9 minutes, fondamentalement originale et qui prend le contre–pied du déjà-vu.
A l’entame de la soirée, on ne peut s’empêcher de remarquer parmi le public, les premiers fans de Matamba Kombila : ses parents. Les Kombila, le très connu couple franco–gabonais de médecins.
Quand la sonnerie retentit pour annoncer le début de la projection, les rideaux s’ouvrent et dévoilent la présence de Charles Le Gargasson, Attaché culturel et Directeur délégué de l’Institut Français du Gabon, pour faire son discours de circonstance : « […]Nous avons la chance de recevoir Matamba Kombila, qui est la première personne que j’ai rencontrée quand j’arrivais pour la première fois au Gabon prendre mes fonctions. Sur notre demande, elle a animé des masterclass sur les métiers de l’audiovisuel avec des enfants. […] Et en découvrant son travail individuel, nous avions été sous le charme parce que c’est un travail qui a du sens, une véritable réflexion ».
Ensuite, il a cédé la parole à la cinéaste : « Je vais être brève, merci beaucoup d’être là, cela fait quatre ans qu’on s’est lancé dans ce travail, vous montrer ce film c’est très important pour nous. Je suis contente que vous soyez là. Je remercie le Lions Club Hibiscus et l’Institut Gabonais de l’image et du son, qui m’on aidée à faire ce film ». Ces partenaires cités ont dit chacun un mot. Trêve de protocole, la projection du film démarre, le public a hâte de découvrir.
L’amorce du film captive tout de suite notre attention. Quatre jeunes comédiens à peine adolescents explosent et crèvent l’écran avec leurs talents. Ils tiennent en haleine les spectateurs en jouant les personnages d’eux – mêmes du premier au neuvième épisode de cette série télévisée sous – titrée. Ils sont porteurs d’un handicap, la surdité, mais bien encadrés par la Directrice et l’enseignant de leur établissement, l’Ecole Nationale des sourd – muets, épicentre du film et dont l’enseigne fait l’objet d’un zoom répétitif d’un épisode à un autre.
Ces quatre jeunes comédiens s’approprient le film de Matamba Kombila comme pour se venger des injustices et clichés rétrogrades dans lesquels la société gabonaise les confine. D’ailleurs, ils l’affirment dans le premier épisode, “Télé sourd” : « Ils disent que nous ne sommes pas comme eux, pourtant on a des talents, on sait faire des choses. Beethoven était sourd et Mozart était fou ».
Cette série fait le portrait des sourd – muets du Gabon qui se battent contre des difficultés de tout genre. Ils enchaînent des petits boulots pour survivre, tantôt ils sont laveurs de véhicule, techniciennes de surface ou restauratrices avec en arrière – plan une signalétique qui accroche (Aidez – nous à payer nos études).
Dans le quatrième épisode intitulé “Caramels au chocolat”, on découvre une célébrité de la musique gabonaise, Annie-Flore Batchielilys, qui surprend agréablement le public. Outre la chanson, elle nous cachait un autre talent, celui de comédienne. Elle y joue le rôle de la propriétaire du restaurant qui refuse d’engager la jeune sourde Livia, comme stagiaire dans son restaurant.
Le public est saisi par l’émotion de bout en bout. Quand le neuvième et dernier épisode s’achève marquant le clap de fin de cette projection, Matamba Kombila remonte sur scène, le public jubile avec des applaudissements tout de suite coupés par Pape Joe qui arrache le micro : « Excusez-moi, je suis le père d’Anouchka dans le film, ce n’est pas normal dans ce pays, ma fille ne peut pas poursuivre ses études, l’Ecole Nationale des sourds-muets ne s’arrête qu’au CM2, il n’y a pas de cycle supérieur, aucun lycée spécialisé pour les enfants sourds, il faut le dire, voilà ». Tonnerre d’applaudissements dans la salle.
Waouh ! Super ! C’est ce genre de films que je veux, les films qui nous montrent notre réalité. Mon grand-frère ne peut plus se rendre dans les ministères pour faire ses papiers, il manque des rampes pour faciliter son passage avec son tricycle.
Une spectatrice après la projection
Matamba Kombila, exprime un émerveillement devant un tel témoignage et laisse entrevoir une satisfaction. Elle présente son équipe au public. Sur fond de lumière tamisée, cette belle soirée cinématographique prend fin. Avec son film, cette cinéaste gabonaise qui vit à cheval entre les USA et le Gabon, est entrée dans le monde des célébrités du cinéma gabonais en y inscrivant son nom en lettres d’or.
Brève interview de Matamba Kombila et Charles Le Gargasson à l’issue de la projection
Charles Le Gargasson : C’est un sentiment de satisfaction, Matamba a fait un travail formidable et j’en suis ravi.
GC : Pensez – vous que cette série télévisée ait un bel avenir devant elle, par exemple circuler dans le réseau des Instituts Français en Afrique centrale ?
Charles Le Gargasson : Bien sûr, c’est une série de bonne facture qui peut bien circuler dans les IFG et surtout dans les télévisions.
GC : Comment vous est venue l’inspiration de faire ce film?
Matamba Kombila : comment est venue l’inspiration ? Tout a commencé avec Pontarlier qui est réalisatrice comme moi, qui faisait déjà des films documentaires sur le sujet des handicapés et qui m’a associée puisque l’Ecole des sourds voulait que leurs enfants apprennent à faire du cinéma. On a travaillé de Février à Décembre 2016 avec des enfants et on a pu faire le premier épisode, donc tout est parti de là.
GC : Votre série pose un doigt accusateur sur le non-respect des droits des personnes handicapées au Gabon et vous avez réussi ce pari, mais cette série peut faire cas d’école dans d’autres pays en Afrique, l’avez – vous proposée au dernier FESPACO ?
Matamba Kombila : Oui bien sûr, mais le forma une heure vingt ne correspond pas à celui exigé par le comité de sélection du FESPACO. Malgré tout j’ai gagné plusieurs prix aux USA et en Afrique. Je pense déjà à la suite.
Merci encore et je suis émue par tous ceux qui ont cru en moi et à cette belle aventure.